Trafic d'hydrocarbures
L’essence iranien : une contrebande étatique ?

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Par
Illicit Trade
Le problème du trafic d’essence en Iran est tel que certains en viennent à se demander si il ne s’agirait pas en réalité d’une contrebande étatique
L’Iran a toujours été un pays possédant de vastes réserves de pétroles. Pourtant le manque d’essence a toujours été un problème majeur pour le secteur de l’énergie de la république islamique. Ceci peut à première vue sembler paradoxal. En effet si il s’agit d’un manque de capacité de raffinement du pétrole pourquoi au moins 10 millions de litres d’essence sont-ils illégalement exportés chaque jour ? Certains estiment que ce problème de trafic d’essence représenterait 3,65 milliards de litres par an.
Problème sécuritaire…
Ces chiffres sont des estimations qui prêtent encore à discussion ; ainsi le 19 décembre 2019 un porte-parole du gouvernement estimait cette contrebande à 11,5 millions de litres par jour. Ali Adyani, un membre du comité pour l’énergie du parlement iranien estime en recoupant plusieurs sources que le problème monterait jusqu’à 15 ou 20 millions de litres par jour. Un de ses collègues donne même des chiffres supérieurs à cela. Si on calcule un profit de 0,50$ par litre ceci représenterait donc 3,3 milliards de dollars par an. Cette somme avoisine celle du budget annuel du pays pour le développement.
Ces estimations ne comptabilisent pas non plus le kérosène et le diesel qui sont également victimes de la contrebande dans des proportions similaires. Le ministre du pétrole Bijan Zanganeh a rejeté ces chiffres arguant qu’il était logistiquement impossible de faire passer autant d’essence à travers la frontière. Malheureusement ceci ne tiens pas compte du fait que toute la contrebande n’est pas le fait de petits trafiquants. Par ailleurs ce trafic d’essence pourrait être un moyen pour le pays de contourner les sanctions internationales.
… ou contrebande étatique ?
Ce trafic est très fluide et prends de nombreuses formes. Un certain nombre de contrebandiers sont des iraniens sans-emploi se servant de fourgons de taille moyenne ou de minibus. Ils ajoutent deux ou trois réservoirs à leur véhicule pour pouvoir faire passer jusqu’à 500 litres ou plus à travers la frontière. Il leur faut également souvent verser un pot-de-vin aux gardes frontières des deux côtés. Il existe cependant des trafiquants de plus grande ampleur ; un ministre de cabinet du président Ahmadinejad se servait de ses connections pour faire passer des convois entier de camions-citernes. Pendant des années ces convois passaient la frontière chaque jour alors même que le pays subissait une pénurie d’essence et devait importer cette ressource.
Un autre exemple est celui de ce commissaire de police accusé d’être le chef d’une réseau de trafiquant d’essence. Aujourd’hui c’est désormais un classique des campagnes électorales d’accuser son adversaire de tremper dans ces affaires. Il semble que ce trafic soit encouragé par le très bas prix de l’essence ; le gouvernement en finance 90 % du coût. De plus la dévaluation de la monnaie iranienne a rendu l’essence trois fois moins chère.
Des injustices flagrantes
Un autre problème est que ce financement de l’essence par le gouvernement bénéficie principalement ceux qui peuvent s’acheter une voiture et on le temps de conduire. Ainsi les 10 % d’iraniens les plus riches bénéficient 11 fois plus de cette aide gouvernementale que les 10 % les plus pauvres. En 2016 43 % des familles iraniennes possédaient une voiture à essence. Les 53 % autre ne possèdent pas de voiture et ne bénéficient donc pas de ce financement. On estime que moins d’1 % des familles rurales pauvres possèdent un véhicule.
Ce problème de contrebande provient par ailleurs d’un système de corruption systématisé. Comme on l’a vu les trafiquants individuels ne sont qu’une partie du problème. Des entreprises industrielles et rurales de premier plan bénéficiant de ces aides de l’état peuvent se permettre d’acheter des quantités gigantesques d’essence et les rediriger dans le marché de la contrebande. On ne sait pas exactement si cela relève d’un choix calculé de la part de l’Iran pour circonvenir les sanctions. Ceci expliquerait cependant l’absence de succès des quarante ans de lutte contre la contrebande d’essence dans le pays.

Le pétrole russe a trouvé de nouveaux marchés et mis en place des pratiques illégales pour continuer à être vendu à l’international
La multiplication des sanctions depuis l’invasion de l’Ukraine a rendu la vente de pétrole russe plus difficile. Le secteur de l’énergie russe ayant un poids majeur dans l’économie du pays, ces derniers ont dû trouver des façons de contrecarrer cette guerre économique. Pour remplacer ces pertes sur le marché européen, il semble que le pays se soit tourné vers la vente illégale et l’ouverture de nouveaux marchés.
Une réorientation de l’économie
L’importation de gaz, de charbon et de produits pétroliers russe a été interdite aux États-Unis depuis le 8 mars 2022. Cependant, les principaux consommateurs restent les pays de l’Union européenne. Ces derniers vont cesser d’importer du pétrole russe brut en décembre, et les importations de pétrole raffiné cesseront deux mois plus tard. Il semble que la Russie s’y soit préparée ; on observe déjà une tendance à la baisse dans les exportations de pétrole brut. Les principaux importateurs actuels sont la Chine, l’Inde et l’Italie. Les exportations de septembre dernier sont les plus basses depuis le début de la guerre. Ces exportations devraient cependant rester relativement stables, car les pays comme l’Inde et la Chine ont augmenté leurs importations.
Pour attirer de nouveaux clients, la Russie a mis en place d’importantes baisses de prix pour séduire l’Inde et l’Indonésie notamment ; 30 $ le baril. Ces tarifs vont certainement perdurer et sont très attractifs pour les pays les plus pauvres. Le Sri Lanka, le Bangladesh, le Pakistan et Cuba ont d’ailleurs choisi d’en bénéficier. Les premières livraisons sont déjà arrivées au Sri Lanka, en provenance de Primorsk et Novorossiysk. Ces deux ports desservaient historiquement les pays européens, ce qui accrédite la thèse d’une importante réorientation de l’économie russe.
Trafics en haute mer
Des mesures d’exportation illégales sont cependant aussi utilisées pour contourner les sanctions contre son marché de l’énergie et son système financier. Il est par nature difficile de suivre et contrôler ces transactions. On ignore donc en grande partie la réelle efficacité des sanctions actuelles. On ignore aussi à quel point l’État russe pourrait en bénéficier. La méthode la plus connue est l’utilisation d’entreprises de façade dans un pays tiers pour dissimuler des entreprises russes. De multiples autres méthodes sont aussi employées. On trouve notamment celle inventée par l’État iranien qui effectue de multiples transferts entre bateaux en pleine mer, après qu’ils aient désactivé leur système GPS.
Des méthodes de structures de possession complexe sont aussi utilisées, tout comme les pavillons de complaisance de nations peu regardantes. On rapporte ainsi que certains pétroliers russes battent actuellement le pavillon de Saint-Kitts et Nevis et des Îles Marshall. On note également un accroissement du nombre de navires prenant la mer sans destination officielle. Un total de 11,1 millions de barils aurait ainsi quitté les ports russes vers des destinations inconnues. Une autre technique bien connue aujourd’hui est de mélanger ce pétrole à celui d’autres pays exportateurs, ou de l’identifier comme provenant de ces pays. Si ce mélange contient 49,99 % de pétrole russe, le pétrole n’est pas considéré comme venant de ce pays. Toutes ces méthodes posent la question de la capacité réelle des sanctions à impacter durablement l’économie russe.

Dix membres d’équipages ont été arrêtés à Singapour pour une affaire de trafic de combustible de soute
Les autorités ont rapporté que ces dix hommes travaillaient sur deux remorqueurs. On les soupçonne d’être responsables d’une fraude sur l’essence consistant à vendre de l’essence de maritime appartenant au propriétaire d’un des remorqueurs. Singapour possède le marché le plus important pour le combustible de soute, aussi appelé mazout lourd. Cette importance amène son lot de trafics en tout genre et le pays essaye depuis longtemps de mettre fin à ces ventes illégales.
Trafic d’essence dans les eaux territoriales
L’automne dernier, neuf hommes ont été emprisonnés après avoir été condamnés pour avoir arnaqué des armateurs sur les quantités d’essence livrées aux bateaux. Lors de cette dernière enquête, des autorités portuaires ont travaillé de concert avec les garde-côtes. Un des remorqueurs bat pavillon singapourien et l’autre est un bateau étranger. On accuse les équipages d’avoir effectué une transaction illégale de combustible de soute au large du sud de Tuas Basin, à Singapour.
L’enquête préliminaire de la police rapporte que les équipages du remorqueur de Singapour auraient volé l’essence à leur entreprise. On les accuse d’avoir vendu ce mazout lourd à un navire étranger. Lors de la fouille du bateau et l’arrestation de l’équipage, la police a saisi 5800 $. On soupçonne que cet argent provient de la vente illégale. Le bateau a également été mis à la fourrière.
Le combustible de soute, source de convoitises
Les six hommes travaillant sur le remorqueur singapourien sont sous le coup d’accusations criminelles. Chacun risque 15 ans de prison, sans compter d’importantes amendes. Les quatre hommes travaillant sur le remorqueur étranger sont accusés d’avoir reçu sciemment des biens volés. Ils risquent jusqu’à cinq ans de prison et des amendes.
La police et les autorités portuaires ont renforcé leur sécurité et rapportent qu’ils continueront de lancer des opérations de ce genre. L’objectif est de prévenir, décourager et détecter ce genre d’activités illégales dans les eaux territoriales du pays. La résolution de l’affaire de l’automne dernier a révélé que les neuf coupables avaient volé près de 250 000 $ de combustible de soute. La police a découvert cette affaire en 2019 et pense que cette fraude sur l’essence durait déjà depuis deux ans. Cette histoire implique notamment l’utilisation d’aimants pour réduire la quantité d’essence livrée aux armateurs. Les responsables ont été condamnés à trois ans de prison et les autres à des peines allant de sept à 19 mois.

Les forces armées menacent de frapper les installations pétrolières saoudiennes si ces derniers n’arrêtent pas de voler le pétrole yéménite
Un haut responsable du Yémen a annoncé que leurs forces armées pourraient mener des attaques à travers le territoire saoudien. Ils accusent en effet la coalition menée par Riyad d’exporter illégalement du gaz et du pétrole yéménite. Cette menace a été faite par Mohammad Tahir Anam, un conseiller du Conseil politique suprême du Yémen. Il affirme que son pays ne tolèrera pas que l’Arabie saoudite et les Émirats arabes unis se livrent à un pillage en règle de leurs ressources. Selon eux ceci revient à une rupture du cessez-le-feu négocié avec les Nations unies.
Un danger pour le cessez-le-feu
Selon Anam on a remarqué une nette augmentation du vol de gaz et de pétrole yéménite par leurs ennemis. À cela s’ajoute la saisie de navires du pays au large des côtes de la province de Shabwah. Anam a affirmé que ces attaques et ces vols ne resteront pas impunis ; « Nous ciblerons les entreprises et navires, de même que leurs raffineries de pétrole et de gaz.
De plus, Mohammed Muftah, un autre conseiller, a donné un avertissement ferme à la coalition. Selon lui, les pétroliers responsables du transport du pétrole yéménite seront aussi attaqués. Ces menaces arrivent seulement quelques jours après le départ du pétrolier Apolytares du port de Al-Shahar au Yémen. Ce dernier transporte 2 millions de barils de pétrole volé au Yémen. Cette cargaison d’une valeur de 270 millions de dollars est à destination de Sriracha en Thaïlande.
La défense du pétrole yéménite
La vente de cette cargaison aurait pu payer les salaires de tous les fonctionnaires yéménites pour au moins deux mois, selon Muftah. Selon lui les Émirats et les Saoudiens profitent du cessez-le-feu pour piller leurs ressources. Les entreprises des belligérants jouent donc ici un rôle militaire qui devrait être pris en compte par les Nations unies.
Cette guerre contre le Yémen a été lancée en 2015 par l’Arabie saoudite. Ces derniers bénéficient du soutien d’une coalition de pays arabes et du soutien logistique des États-Unis et d’autres nations occidentales. Leur objectif est de réinstaller le régime de Abd Rabbuh Mansur Hadi, un allié de Riyad, à la tête du pays. Ce faisant il s’agit donc aussi d’écraser la résistance des rebelles Houthis et du mouvement de résistance Ansarullah. Cette guerre a déjà causé plusieurs centaines de milliers de morts et provoqué la plus grave crise humanitaire au monde.
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