La Turquie reste un passage obligé entre l’orient et l’occident pour la route de la drogue des Balkans à destination de l’Europe de l’Ouest
La route de la drogue des Balkans est surtout connue pour faire passer de l’héroïne afghane vers l’Europe. Cependant ce n’est pas la seule substance illicite ni la seule origine du problème. Récemment de la drogue provenant du Brésil et de la Colombie a été découverte en Turquie. Ce problème de trafic de drogue existe depuis longtemps dans le pays et est un enjeu majeur en terme de santé publique et de sécurité.
Un phénomène transnational
Les autorités turques ont saisi 18,5 tonnes d’héroïne et 80,7 tonnes de cannabis au cours de l’année dernière. Elles ont également confisqué 566 kg d’amphétamines et 1,2 tonnes de cannabinoïdes synthétiques de mauvaise qualités ; du « bonzai ». Plus de 8,9 millions de cachets d’ecstasy et 22,7 millions de pilules de captagon ont aussi été récupérées. Malgré ces saisies très importantes ceci n’a pas été suffisant pour dévier la route de la drogue. Au contraire le nombre de trafiquants de drogue semble être en hausse constante dans le pays. Ces groupes criminels sont très souvent en contact avec des partenaires opérant à l’étranger.
Le trafic de drogue en Turquie a donc un caractère éminemment transnational. Ceci se reflète dans la nationalité des trafiquants arrêtés, nombre d’entre eux viennent d’un éventail assez large d’autres nations. En regardant la situation stratégique de la Turquie on comprend aisément la raison de cet engouement ; le pays est une passerelle entre l’Europe et l’Asie. La quantité de drogues produites en Turquie a beau avoir chuté depuis les années 1970, la route de la drogue a remplacé la production nationale.
La politisation de la route de la drogue
Cette question du trafic de drogue est un enjeu de sécurité nationale pour le pays. Certains groupes armés sont accusés d’utiliser la drogue comme moyen de financement. Les autorités ciblent en particulier les indépendantistes kurdes du PKK. Ces derniers sont très présents dans les régions montagneuses frontalières, mais aussi dans les montagnes de Qandil en Irak. C’est sous ce prétexte que le régime turque a opéré des frappes et des attaques terrestres en Irak en juin dernier. La route de la drogue n’est évidemment pas la seule raison, mais c’est une des excuses avancées par le gouvernement de l’AKP.
Cependant il serait injuste de pointer uniquement la responsabilité des groupes comme le PKK. Un rapport récent révèle par exemple la collaboration entre le trafiquant d’héroïne iranien Naji Sharifi Zindashti et Burhan Kuzu ; un ancien député de l’AKP, le parti de Erdogan. Le trafiquant iranien a été arrêté en possession de 75 kg d’héroïne en 2007 et a été mystérieusement libéré en 2010. Kuzu est accusé d’avoir fait pression sur les autorités pour obtenir la libération du baron de la drogue. Soulignons également que les efforts des autorités sont loin d’être aussi efficaces et cohérents que ce que les saisies laissent à penser. Les autorités turques semblent plus intéressées par l’utilisation politique de la route de la drogue pour décrédibiliser leurs ennemis que par la mise en place de politiques de santé et de sécurité constructives.
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